Les familles d’enfants autistes peuvent-elles être mieux soutenues ?
Oui, selon l’éducatrice spécialisée Christiane Jean-Bart, qui a étudié le parcours de sept d’entre elles.
Comment expliquer les difficultés des parents à obtenir des réponses de la part des professionnels ? Pendant des années, l’autisme a appartenu au corps médical. En particulier à la psychiatrie. Ces familles cherchaient désespérément des solutions. Et l’absence de réponses renforçait leurs doutes, leur sentiment de culpabilité. Une mère dont l’enfant courait et n’arrêtait pas d’ouvrir les portes était allée voir un psychiatre, après d’autres médecins. Qui lui dit : « Je ressens chez votre fils une grande peur. »
Elle lui répondit: « Écoutez docteur, une grande peur, ce n’est pas une maladie […] Je n’en peux plus. Il faut me dire ce qu’il a. » Certains psychiatres de courant psychanalytique ont reproché aux mères d’entretenir un lien trop fusionnel qui expliquerait les attitudes de leur enfant. C’est la double peine.
Beaucoup de parents ont également dû abandonner leur travail…
Sur les sept mères rencontrées, cinq ont eu une période où elles se sont senties anéanties. Elles ont vécu un isolement social. Quand votre enfant fait une crise, il faut venir tout de suite et lâcher votre poste de travail. Petit à petit, une pression s’installe dans l’entreprise. Une femme a eu ces mots terribles : « Pour que mon enfant vive, il fallait que je meure à un moment donné. »
Comment ont-elles fait face ?
Les familles qui s’en sont sorties sont celles qui se sont tournées vers des solutions collectives : des associations, des ateliers de peinture, des groupes spirituels… Après avoir dû quitter leur emploi, après la déscolarisation de leur enfant, elles sont parvenues à recréer du lien social.
Que préconisez-vous ?
Au-delà de l’enfant autiste, il faut écouter leurs familles, tenir compte de leur trajectoire, de la culpabilité endossée et de la manière dont elles vivent. La famille qui, avant, était perçue comme fragile, face au manque de réponses des professionnels, a développé des stratégies, est devenue compétente. Même si l’accompagnement de ces parents n’est pas encore totalement balisé, désormais, avec les différents services qui interviennent à domicile tels que les Sessad (services d’éducation spéciale et de soins à domicile), il y a une meilleure prise en compte de l’environnement familial.
Pierrick Baudais,
Ouest-France le 4 décembre 2015
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